Portrait Dan Anidjar

Pour Dan Anidjar la formation, l’étude, c’est un peu l’histoire de sa vie.

Tout commence à Aix-les-Bains où il poursuit ses études dans le lycée Talmudique, alors sous l’égide de l’emblématique rav H’aïkin lui-même élève du H’afets Haïm ; là il devient bachelier. Puis en Israël où il côtoie les plus grandes figures spirituelles du moment comme le rav Shakh (zal) alors leader de la Agoudat Israël et d’autres géants de la Torah. Au total pour lui ce sont près de 6 années d’études poussées baigné dans le monde des Yeshivot.

 

De retour en France où il se marie, il étudiera au collel d’Épinay pendant 7 ans. Tout de suite les premières propositions dans le domaine de l’enseignement lui parviennent, mais il ne se lance pas immédiatement et préfère attendre pour se remplir et s’accomplir dans l’étude de la Torah. Ce n’est que plus tard, dans les années 2000 qu’il démarre l’enseignement.

En 2015, l’envie de voir autre chose l’inspire. Il se dit que : « L’expérience c’est bien mais il faut aussi apprendre ». Et c’est en étant en contact avec Robert Derai – l’actuel responsable des formations de Kodesh – qu’il franchit le cap et s’inscrit au programme Hé (devenu depuis programme Lélamed).

 

Passer des après-midis entières à se former sur le plan pédagogique, ce fut une très belle et très forte expérience nous explique-

 

e Hé, j’ai pu commencer à percevoir les choses autrement, à sortir de mon cadre de référence pour « voir avec les yeux de mes élèves ». Il y a trop de choses que l’on fait par instinct poursuit-il, et grâce à la formation on a pu découvrir de nouvelles méthodes pour mieux appréhender la relation enseignant/élèves. Après cette parenthèse de 2 ans, Dan Anidjar continue l’enseignement avec encore plus d’entrain.

t-il. On se rappelle ce que c’est d’avoir été élève et surtout, on se retrouve – le temps d’un après-midi – nous-mêmes élèves. Quoi de mieux pour avoir un regard bienveillant sur nos élèves que d’être à leur place ?

Cette formation m’a ouvert au « modernisme » dit-il car, « le dialogue est parfois compliqué avec les jeunes et leur vision est très différente de celle que l’on peut avoir nous-mêmes en tant qu’adulte / enseignant ». Grâce au programm

Aujourd’hui il se rend compte que d’enseigner à nos élèves le kodesh est une véritable gageure. En effet les niveaux de kodesh en termes de connaissances, d’éducation de culture et surtout de pratiques religieuses sont très différents ce qui n’est pas le cas pour les enseignements de hol. Et c’est justement ce défi que l’enseignant de kodesh relève au quotidien en enlevant ses œillères en s’adaptant à ses élèves avec empathie et bienveillance ; ainsi on accepte mieux l’autre, on accepte mieux les élèves.

Il conclut en citant le Haza’’l : « les paroles qui sortent du cœur entrent dans le cœur » et insiste pour saluer le travail de l’équipe du Campus FSJU qui correspond bien à cette maxime.

 

Héloïse ALLALI

 

 

Présenter Béatrice Aïache est un plaisir car nous nous connaissons depuis de nombreuses années lorsque nous étions collègues.

Dès sa plus jeune enfance, Béatrice rêvait de devenir professeur d’anglais. Son bac en poche, elle entreprend une licence et une maîtrise d’anglais. Elle se marie et se consacre à l’éducation de ses trois enfants jusqu’au jour où elle décide de se tourner vers l’enseignement. Une de ses cousines qui était passée par Neher lui conseille de s’orienter vers l’enseignement juif. Elle entreprend alors sa formation pendant deux ans à l’Institut André et Rina Neher de 2003 à 2005 puis rentre en tant que Professeur des écoles à Gaston Tenoudji à Saint-Ouen aujourd’hui devenu l’Alliance Rachi, dans le XVIIème. Elle enseigne au CP de 2005 à 2009 puis en raison de la fermeture d’une classe et étant la dernière arrivée de l’équipe, Beatrice est obligée de quitter l’école alors qu’elle était très appréciée par ses collègues, les parents et les enfants.

Elle arrive à l’école Beth Myriam et y restera 10 ans jusqu’en 2019. Elle exerce dans différents niveaux du CP au CM1 en passant par des classes à double niveau. Elle accompagne les enfants en soutien scolaire et assure les études surveillées.

Parallèlement elle profite d’avoir un emploi du temps où le kodech a lieu les après-midis pour enseigner l’anglais de la sixième à la troisième et lors de l’ouverture du secondaire pour garçons Beth Aaron elle enseigne également l’anglais et même le français les après-midis

L’école lui propose un poste de direction. A ce moment-là, elle reçoit également une proposition pour rejoindre l’école Marianne Picard à Neuilly aux côtés de Myriam Pizzo. Cette école est réputée pour ses pédagogies innovantes. Beatrice en profite pour suivre la formation Feuerstein au sein de l’école. Toujours prête à enrichir et à développer ses compétences, elle suit la formation Lev’ ta voix Association du Rav Elie Lehmel pour prévenir tous les abus sur les enfants.

Elle suit tout au long de l’année une formation de tutrice à Eurecole et accompagne une PES professeur des écoles stagiaire.

Pour rester en lien avec l’enseignement de l’anglais lorsque le Campus propose une formation de formateurs, elle y répond tout de suite. Monsieur Jean-Paul Lehoux qui a développé un concept innovant « Jeu Parle » la prend sous son aile. Une méthode pour apprendre une langue par le jeu et développer l’oral au travers de flash cards et de comptines pour que les enfants entrent dans l’apprentissage d’une langue de façon ludique. Depuis elle est entrée comme formatrice au Campus pour les étudiants de seconde année. Elle pourrait intervenir dans les écoles dans le cadre de la formation continue des enseignants.

Béatrice a toujours su s’adapter et ne jamais rester figée dans son enseignement et est prête à innover dans sa pédagogie pour l’épanouissement et la réussite de ses élèves.

À terme peut-être dirigera-t-elle un jour une équipe pédagogique ?

 

France Nahum-Moatty 

 

Mordehai Perez est un homme peu commun qui a eu l’opportunité de faire un parcours de formation à la fois étonnant et atypique, c’est pourquoi nous avons souhaité vous le présenter.

 

Tout commence par des études au lycée Yeshiva d’Aix-les-Bains suivi d’une Yéshiva à Jérusalem. De retour en France, il débute une carrière d’enseignant, tour à tour avec le consistoire dans les Talmudé Torah, puis en Belgique, dans les écoles communales.

Il obtient également un diplôme de Rabbin auprès du Grand Rabbinat de Jérusalem (Hekhal Chlomo)

Il assiste quelque temps le Rabbin Brami dans sa fonction, à la synagogue du Raincy, et prend peu à peu de l’assurance dans ses prises de parole et fini par se spécialiser dans les interventions sur différents thèmes de Torah et des conférences. Il commence à enseigner tout en s’occupant de la cacheroute au consistoire de Paris. Il passe également un diplôme de Choh’et (abatteur rituel)

Pour affiner son projet de formateur, il s’initie aux différents outils numériques. Il devient ainsi pendant plus de 10 ans un enseignant utilisant des supports numériques pour une pédagogie alternative plus interactive. Ce choix de la pédagogie par le numérique représentait, à l’époque déjà, un tout nouveau challenge. Depuis le numérique s’est imposé, un peu partout, et les nouvelles technologies ont changé la façon d’enseigner. Les professeurs doivent maintenant repenser leur manière de transmettre.

Pour les écoles c’est une révolution mais c’est également un défi.

 

Pour mieux appréhender l’école, Mordehaï Perez se forme pour devenir conseiller pédagogique. Il monte, ensuite, sa propre structure de formation afin de pouvoir dispenser ses formations innovantes au plus grand nombre. Il est aujourd’hui également formateur au Campus FSJU.

Pendant deux ans de 2017 à 2019, il a suivi le programme Hé, programme destiné aux enseignants de matières juives pour affiner son métier d’enseignant. Il y développe ses connaissances en pédagogie et en didactique.

Toujours pugnace il décide d’utiliser le dispositif VAE (validation des acquis d’expérience) ce qui lui permet d’obtenir une licence de Langue, littérature et civilisation étrangère et régionale, avec une spécialité parcours hébreu études juives. Sa grande motivation et sa persévérance lui permettent d’ouvrir la voie pour d’autres enseignants de Kodesh.

Aujourd’hui avec ces diplômes, sa riche expérience et ses nombreuses lectures, il a réussi à valoriser son travail et transformer son quotidien professionnel d’enseignant.

Durant ses interventions dans les écoles il s’attache à établir un lien fort entre les élèves, les enseignants, mais aussi les parents, car ce trio est indispensable au bon suivi pédagogique des élèves.

Mais pour lui la route n’est probablement finie dans le perfectionnement et l’enrichissement professionnel. Chaque parcours a son histoire, mais c’est à chacun de la construire. C’est possible !

Héloïse Allali

 

Fraîchement honoré du prix Tenoudji pour la vocation éducative nous avons demandé à David Uzan de nous retracer son parcours professionnel.

Un parcours atypique et passionnant que nous le laissons vous raconter avec ses mots :

 » Je m’appelle David Uzan et je suis né le 6 décembre 1958 à Tunis, Tunisie ». C’est très souvent par cette phrase que je me présente à une nouvelle classe.

Mes petits Alsaciens se regardent alors les yeux écarquillés comme si le mot « Tunis » désignait l’Afrique équatoriale et « 1958 » était une date de l’Antiquité !

J’aime cette amorce non seulement parce qu’elle me permet d’établir le contact avec sincérité, mais aussi parce qu’elle me rappelle le point de départ et les étapes du chemin qui m’a mené là, à l’École AQUIBA de Strasbourg pour y enseigner la Torah aux enfants.

Un parcours personnel et professionnel où les rencontres furent décisives. Elles furent nombreuses et je me souviens avoir à chacune d’elles été conscient que cette nouvelle personne allait me construire et alimenter la flamme de mon envie de dire ce que j’apprends et de le partager avec des élèves.

Mais au commencement de chaque feu il y a une étincelle…

Dès l’enfance, c’est au Talmud Thora du jeudi matin (et oui, du jeudi !) et au mouvement de jeunesse du dimanche (le DEJJ du grand homme qu’était Norbert Dana de mémoire bénie) que je su le nom de cette étincelle.

Dans ces deux lieux, pourtant éloignés l’un de l’autre, j’ai découvert une seule et même chose que je pressentais toujours et qui, informulée au fond de moi, trouva colo après colo son expression : « être juif c’est bien, ça vient de très loin, ça se transmet, c’est grave d’arrêter ! ».

Ce qui a suivi et ce qui se passe encore pour moi n’est, qu’un lent et laborieux déploiement de ces quelques mots simples…

À l’âge de 21 ans, après avoir comme beaucoup de jeunes Juifs, partagé mon temps entre la fac de médecine (ratée !), la « Syna» et le mouvement de jeunesse, j’ai découvert l’étude approfondie du Talmud au sein de la Yechiva des étudiants de Strasbourg. Pour être plus précis, c’est le fait vital d’avoir un Maître, un cours, un échange quotidien autour des Textes, qui fut au centre de ce tournant qui, je le sais bien maintenant, décida de tout.

Quitter Paris et vivre à Strasbourg, dont la communauté juive tient beaucoup au mot « apprendre », nous permit à mon épouse et à moi-même, de quotidiennement recevoir éléments de langage, réflexion, outils d’analyse et connaissances à un rythme et à un niveau d’intensité que nous n’imaginions pas et qui nous ont aidés à construire notre famille.

Tant et si bien que le métier d’opticien-lunettier que j’avais appris perdit progressivement son attrait au profit d’une rageuse envie d’enseigner et surtout, je l’avoue…d’imiter mon Maître !

Engagé en tant que remplaçant à l’école Tachbar par le fascinant ami Yonatane Lilti (d’abord fascinant puis et pour toujours ami), j’oubliais vite les lunettes de mes clients ! Par la suite, tout s’enchaina : École Aquiba, premières responsabilités auprès de M. Bibas, le Directeur et premières rencontres avec les formations de toutes sortes.

Mon entrée en enseignement correspondait avec une période de réflexion intense dans le monde des écoles juives. Aux équipes de l’après-guerre, succédaient des Maîtres et des responsables d’école décidés à professionnaliser le métier des enseignants de Torah.

Cela n’allait pas de soi, car il fallait accepter de remettre tant de choses en questions dans un domaine où tout se nommait « Sainteté » et où on n’osait pas nommer les défauts pour ne pas risquer l’anathème !

Dans ce domaine (qui le contesterait ?), c’est l’Institut André Neher qui, mené par Prosper Elkouby ז״ל puis par Jo Tolédano, qui opéra de façon puissante ce lourd changement.

Je m’y jetais avec passion et guidé patiemment par mesdames Tamar Schwartz et Penina Soussan, je rencontrais mes Maîtres en enseignement : Shmuel Wygoda, Chantal Mettoudi, Annie Partouche et … l’effondrement des certitudes qui les accompagnait !

Vivre une formation est pénible tout en devenant indispensable. Comprenez-bien : c’est pénible parce qu’on s’y expose et qu’on y subit un questionnement permanent, qu’on s’y dépouille ! Mais ce dépouillement devient progressivement indispensable car on sait très vite qu’il nous mène à un autre nous-même qui se cache en nous et qui « lui » est un bon enseignant !

Il est inutile de dire que la différence entre « stagiaire en formation » et formateur s’estompe assez vite et que le goût de recevoir et celui de donner s’impliquant l’un l’autre, on en vient assez vite à recevoir ses premiers stagiaires…

Ainsi, entre 2005 et 2010, je passais mes mercredis dans les avions et dans les trains, sillonnant les écoles juives pour un peu y rendre ce que j’avais reçu.

Je le dis assez facilement aujourd’hui : ma rencontre avec les Maitres et les stagiaires de l’Institut André et Rina Neher (IARN) fut un enchantement au sens précis du mot. Comme dans le livre de Samuel où le jeune berger qu’était Saül à la recherche de ses ânesses perdues se transforme littéralement en un « autre homme » après une séance sur un toit dans la nuit étoilée  avec le prophète.  Séance dont l’intensité nous échappe !

Cette rencontre à l’air libre, dans le secret et hors de l’espace de la société (un toit ! au-dessus des maisons !) ouvre la rencontre avec soi-même et avec « l’autre homme » qui peut sortir de nous pour aider Israël. Saül qui abandonne la recherche de ses ânesses pour se faire réceptacle d’un autre projet dont il est déjà le porteur sans le savoir, c’est toute la force de la mise en formation. C’est toute la réussite de l’IARN.

Arrêtons un instant le déroulé de mon petit chemin sur l’IARN justement.

Aujourd’hui, intégré au Campus FSJU, l’institut continue plus que jamais à construire ce passage des enseignants vers « l’autre homme » qui vit en eux. Patrick Petit-Ohayon veille toujours à l’attractivité de ces temps d’ascèse en proposant aux écoles des programmes riches et très précisément à l’écoute des enseignants. Sous sa direction l’institut récapitule maintenant tant d’années d’expérience et d’expériences… Il veille à le maintenir comme un lieu où toutes les couleurs de notre peuple se côtoient sans jugement ni méfiance. Rare non ? Rare et crucial.

J’ai l’honneur de toujours faire partie de cette équipe et d’intervenir de temps en temps. C’est Robert Derai et Héloïse Allali qui m’y accueillent et me permettent, le temps d’une séance, de rendre à l’Institut ce que j’y ai reçu.

Mais à l’heure où j’écris ces quelques lignes, c’est la belle École Aquiba qui me requiert jour et nuit.

Belle, parce que s’y déploie une équipe de grande qualité, y vivent des enfants qui n’attendent que de rencontrer des Maîtres et où les mots « apprendre » et « ensemble » ne sont pas encore fâchés !

AQUIBA ? Les mots justes des Rabbins et les chants du mouvement m’y ont mené.

Autant que la profondeur et la permanence dans l’Étude de mon Roch Yechiva.

Autant que les exigences et la rigueur des formateurs de l’IARN.

Telles sont les rencontres qui forment un parcours que D. suscite pour un petit gars exilé de Tunis à Aubervilliers et qui trouve qu’être Juif c’est bien, ça vient de très loin, ça se transmet et c’est grave d’arrêter !

 

David UZAN,

Décembre 2019.