Sommes-nous suffisamment bientraitants ?


Le Campus FSJU a consacré ses Journées de Nationales de Réflexion du 23 et 24 janvier au thème de la Bientraitance. Deux moments forts qui se sont déroulés à l’Espace Rachi  – Guy Rothschild.

Retrouvez la vidéo de cette soirée au bas de cet article.

Des experts  issus de plusieurs champs d’intervention, notamment  du médico-social, de l’éducation formelle et informelle étaient invités, durant ces deux jours à partager leurs analyses et à croiser leurs expériences. Des rencontres qui se sont révélées particulièrement fécondes.

Aujourd’hui le concept de bientraitance  a pris son envol. Il est important d’en redéfinir les contours, d’en mesurer les enjeux sociétaux et de se l’approprier autrement que pour contrer une maltraitance, dont les journées nous ont appris qu’elle n’en était pas l’envers, mais bien autre chose…

Le Campus FSJU s’est ainsi employé à générer la réflexion et nourrir le débat pluridisciplinaire pour un  public dans lequel ont pu se retrouver  cadres et professionnels de l’action sociale et médico-sociale, directeurs d’écoles et enseignants, responsables de projets de la petite enfance, médecins gagnés par ces questions et  tout un chacun à l’affût de connaissances et de réponses. Pari gagné pour le Campus FSJU soucieux de construire ces transversalités.

« Le droit à la bientraitance ?  »

Nous souhaitions explorer ce «  Droit à la bientraitance » par-delà les protocoles et  les injonctions de bonnes pratiques dont  la bientraitance  fait  l’objet dans les recommandations de nos hautes autorités. Le questionnement  a permis d’engager une réflexion  partagée, de repérer et faire surgir les zones de tension et de progression pour réussir cette révolution institutionnelle dans la culture du soin et de l’accompagnement,  et désormais sur un spectre large, de la naissance au soir de la vie…

Danielle Rapoport, chargée d’introduire les échanges a su capter toutes les attentions, en redonnant à la Bien-traitance son trait d’union initial. Pas un simple signe typographique, un  trait d’union qui rassemble plus qu’il ne sépare. Pas qu’une « coquetterie lacanienne » a-t-elle tenu à préciser, ce trait d’union souligne toute la part de responsabilité partagée contenue dans la notion de Bien-traitance. Danielle Rapoport en dresse les fondements et revisite pour nous l’histoire d’un néologisme qui a fait école.

Comme elle le raconte si bien, le concept de bientraitance est né d’un combat et a pris ses racines, vingt ans plus tôt pour sensibiliser l’opinion sur l’état des pouponnières en France. Un véritable « printemps des crèches » pour qu’enfin, ce sentiment continu d’exister, s’épanouisse autrement que dans les seuls  manuels de connaissances et fasse émerger puis se construire le droit à l’enfance.

Un autre événement marquant, la canicule de 2003 et son cortège de victimes a élargi la notion de Bientraitance en l’amenant vers d’autres contextes, celui des personnes âgées vieillissantes ou en situation de handicap, que Bernard Duportet a enrichi par sa contribution.

Démarche avant tout réflexive, la bientraitance nous interroge sur ce qui fonde notre humanité, sur nos valeurs et  notre capacité à agir en accord avec ces principes.

Fort d’une expérience de plus de 25 ans, au service de la lutte contre la maltraitance, il a réaffirmé à l’aune des droits de l’homme, celui élémentaire, à la dignité fondamentale.

B. Duportet a évoqué les aléas de l’accès aux droits pour nos aînés en situation de perte d’autonomie. L’accompagnement auprès des plus vulnérables peut en effet, induire des situations à risque de maltraitance. Une « Maltraitance par inadvertance » qui représenterait, à son sens, 50% des situations repérées. La formation des équipes et la prévention des risques doivent s’inscrire au cœur des pratiques de management. C’est tout l’enjeu de nos politiques. « Les vulnérables nous regardent du haut de leurs faiblesses » a-t-il conclu, en citant Lévinas.

Nous avons ensuite accueilli avec beaucoup d’intérêt la contribution de Gilbert Longhi abordant la bientraitance dans la perspective de l’élève et de l’Institution scolaire.

L’Éducation Nationale, en effet, aborde avec  précaution la question de la bientraitance et lui préfère le vocable de bienveillance.

G. Longhi nous a mis en garde contre certaines formes de maltraitance passive dont il relève les signes les plus courants : une certaine stigmatisation qui peut s’opérer pour l’élève et lui coller jusqu’à la fin de son parcours, la problématique d’une évaluation essentiellement tournée vers les savoirs au détriment des apprentissages, la souffrance des enseignants trop souvent ignorée.

La loi de 2005 rappelle-t-il, a permis la prise en compte des enfants handicapés et de répondre à des besoins spécifiques. L’école maternelle prend mieux en compte le cadre référentiel du tout petit, gagné par ce droit à la bientraitance… mais encore que de défis à relever pour tous les autres…  Un chantier sur lequel le Campus FSJU, continuera d’engager ses partenaires.

Le rabbin Élie Ebidia a régalé l’assemblée en émaillant sa prise de parole de citations talmudiques et d’enseignements de nos sages qui ont bien des choses à nous dire et nous apprendre pour construire ce « bien » de la bientraitance.

Les ateliers du dimanche ont choisi de s’arrêter sur des questions spécifiques en lien avec une culture de la bientraitance.

La bientraitance ne doit pas être un alibi dans les discours : bien au-delà d’une qualité prescrite, elle est une qualité construite qui ne recherche pas de bénéfices à court terme mais une satisfaction à long terme et s’inscrit dans une qualité particulière de relation à l’autre. Entre celui qui conquiert l’autonomie,  celui qui est en perte « de l’aube au soir de la vie », pour reprendre le titre de l’un des derniers ouvrages de Danielle Rapoport, tous ont droit à la Bientraitance.

Tour d’horizon des groupes de réflexion qui se sont réunis le dimanche.

« Construire une posture éducative conciliant fermeté et bienveillance, » est le défi affiché et éprouvé de la discipline positive : rencontre très appréciée avec Béatrice Sabaté, autour d’une activité expérientielle avec le public, en co-animation avec Philippe Lévy, consultant bien connu de nos équipes dans le champ de la communication. Psychologue clinicienne, B. Sabaté a introduit la discipline positive en France et l’incarne depuis une quinzaine d’années sur le terrain.

En explorant des situations, elle aide chacun à forger sa posture et trouver la juste distance. Les relations ancestrales telles que nous les avons connues (hiérarchiques, familiales…), évoluent notamment chez les enfants et les nouvelles générations et demandent à être repensées dans le respect des cadres scolaires et familiaux.

L’accent est mis sur la place de l’encouragement, les bienfaits d’une communication qui permet à l’autre d’exister à la place qui est la sienne.

Dans  les autres groupes, plusieurs thèmes ont été éclairés : « le prendre soin » avec les plus petits de crèches, avec nos ainés, en institution, la place centrale de la famille dans une éthique de co-éducation, la prévention de l’épuisement et de l’usure professionnelle, et enfin la bientraitance et  le  cadre institutionnel car pour « bientraiter », ne faut-il pas « être bientraité » ?

Nous remercions chaleureusement tous les talents qui ont animé ces temps de réflexion :

Françoise Favel, directrice de l’école CERPE, très engagée sur la formation continue des  professionnels évoluant dans les secteurs de la petite enfance et de l’aide aux personnes, Marion Feldman, professeur-chercheur, spécialiste en psycho traumatisme et  formatrice au Campus FSJU.

Martine Chriqui-Reinecke, psychologue clinicienne et rapporteur des recommandations sur la Bientraitance au sein de l’HAS (Haute Autorité de Santé), Richard Josefsberg, directeur de la Maison d’enfants Elie Wiesel, de l’OSE, formateur en analyse de pratiques et professeur-chercheur à l’université Paris-Ouest à Nanterre, Dominique Dahan, chef d’établissement durant 10 ans du groupe scolaire de l’Alliance à Pavillons sous-bois, Donna Lugassi, directrice de la crèche collective de Beth Rivkah à Yerres.

Lucia Bensimon