La soirée de la transmission familiale


La fête de Pessa’h, et tout particulièrement les deux soirs du Seder, nous offre un temps d’échange entre parents et enfants qu’il serait dommage de ne pas exploiter.

La prescription essentielle de ces soirées est « Tu raconteras à tes enfants ». Bien sûr, il s’agit de raconter, à l’aide du texte de la Haggada, le récit de l’esclavage et de la sortie d’Egypte. Mais au-delà de ce texte standardisé, se jouent bien d’autres choses.

 

Tout d’abord, c’est le temps des questions. Le Ma Nichtana en est l’emblème. On apprend essentiellement grâce aux questions qu’on se pose. La question est l’ouverture de l’échange, de la découverte de quelque chose de nouveau.

Pour bien préparer cette soirée, encouragez vos enfants, avant l’entrée de la fête, mercredi soir, à préparer les questions qu’ils vous poseront, à vous parents, ou à leurs frères et sœurs, au cours de la soirée. Il n’y a ni questions bêtes, ni questions inutiles. Si elles sont nées dans l’esprit de vos enfants, c’est qu’elles sont importantes pour eux. Sachez les valoriser, même si vous ne savez pas répondre dans l’instant. L’image parentale ne s’écroule pas si on reconnait que la question est bonne et qu’elle nécessite de l’approfondissement, et qu’on prendra ensuite le temps de chercher, d’y réfléchir, ou d’interroger quelqu’un d’autre pour pouvoir répondre. Si on oublie, ensuite, attention danger ! mais la question est saine, elle montre l’intérêt pour le récit.

 

Ensuite, chacun son récit. Il n’y a pas qu’une manière d’aborder la soirée, selon l’âge, le tempérament de l’enfant, sa curiosité. C’est pourquoi la Haggada nous parle de 4 enfants.

Le Sage (‘Hakham)a une question de détails, d’approfondissement et de cohérence.

Le révolté (Racha) n’a pas de question véritable, il cherche à déstabiliser, à provoquer, c’est sa manière de se poser de se chercher en s’opposant. Montrons-lui que nous sommes réfléchis, organisés dans notre tête et que cette fête est importante pour nous.

Le Simple (Tam) a une question qui lui ressemble, il veut comprendre et identifier, sans encore rentrer dans les détails. Il est plus jeune que le Sage.

Le petit dernier est celui qui ne sait pas encore poser de questions (Chéeno Yodéa lichol), c’est à nous de l’impliquer, de lui ouvrir la bouche, selon la formule du texte. On l’associera, sans contrainte, à ce qui se passe. On n’est encore qu’au tout début de son apprentissage. Ayons un mot de commentaire, d’explication pour chacun.

 

Profitons de cette soirée pour raconter comment, enfant, nous vivions cette soirée, comment nos parents, nos grands-parents vivaient, comment ils abordaient cette soirée, dans quelle ambiance, avec quels plats. Tout ceci fait partie du patrimoine familial, comme le récit de la sortie d’Egypte, lui-même.

 

La Haggada est un récit, pas une lecture. L’objectif n’est pas de lire, le plus vite possible, pour se « débarrasser » de la mitsva et passer au repas. C’est un temps d’échange, de partage. Chacun des participants doit pouvoir lire un passage, en hébreu, en transcription ou en traduction. Car le récit doit être compris pour jouer son rôle d’ancrage identitaire. Faites de la place à vos enfants, en les encourageant, sans contrainte, à être partenaires actifs de cette soirée familiale.

 

Ce qui s’y joue est essentiel, pour la formation psychologique et spirituelle de tous.

Ce récit est notre histoire. En la racontant, on se l’approprie. Elle est pleine d’enseignements sur notre relation à D-ieu et sur l’histoire du peuple juif tout au long de l’histoire. Ne bâclez pas, mais ne vous appesantissez pas non plus, répartissez sur les deux soirées ce que vous avez envie de dire, d’échanger, d’écouter de vos enfants, qui en savent peut-être plus que ce que vous croyez. Exploitez ce temps offert pour « sortir d’Egypte », c’est-à-dire pour vous libérer de vos chaines matérielles et psychologiques qui vous empêchent tout au long de l’année de « rencontrer vos enfants ». Transmettre, c’est partager avec ceux qui nous sont proches, le patrimoine familial, religieux et spirituel qui est le nôtre.

 

 

Patrick Petit-Ohayon