Extrait du journal de Yad Vashem – Renouvellement de l’approche de formation des enseignants des écoles juives de France


Le temps n’est pas toujours un allié de l’enseignement. La répétition qui est la base de tout apprentissage contient en elle-même sa faiblesse. Tout en renforçant la mémorisation, elle peut provoquer la lassitude et pire, le sentiment de déjà vu, de déjà étudié qui provoque le désintérêt quand ce n’est pas le rejet.

C’est là, une difficulté à laquelle l’enseignement de l’histoire de la Shoah, comme d’autres, est confronté. Comment éviter la « fois de trop » de l’évocation du drame majeur du XXème siècle et risquer de lasser quand le devoir est impérieux.

Comment faire pour que cette mémoire ne s’estompe pas avant de s’effacer ?

Il n’y a pas de solution miracle ; il y a des pistes de réflexion qu’il nous faudra approfondir dans les années qui viennent.

Nous voudrions, dans le cadre de cet article présenter l’approche que nous avons initiée et mise en œuvre ces dernières années dans le cadre d’un partenariat entre le CAMPUS-FSJU et l’école internationale pour l’enseignement de la Shoah de Yad Vashem. Notre défi de départ était comment renouveler les séminaires de formation d’enseignants – c’est la vocation du CAMPUS-FSJU – à Yad Vashem ? Ceux-ci sont fréquentés par des francophones, par vagues successives, depuis la fin des Années 80 avec le soutien du Fonds Social Juif Unifié. Nous ne sommes plus dans l’époque des programmes standards proposés à tous, malgré la qualité du programme ; il est trop généraliste pour motiver encore de manière efficace. C’est pourquoi, notre réponse a été d’adapter chaque séminaire à chaque groupe scolaire ou à chaque réseau. L’attente n’est pas exactement la même si l’on vient d’une école ‘Habad, d’une école de l’ORT ou de l’Alliance. Certes, l’histoire est la même pour tous, il y a des incontournables, mais également des variants, car sur une semaine, on ne peut pas tout traiter de la même façon. La manière de mettre en lumière tel ou tel aspect de cette histoire douloureuse améliore l’écoute, car la formation vient aussi solliciter notre questionnement intérieur et personnel.

Évoquer la personnalité et l’action du Grand Rabbi Henri Schilli pendant la Seconde Guerre pour des enseignants d’une école qui porte justement ce nom, n’a pas la même résonnance que pour une équipe pédagogique d’une autre structure. Enseigner à des adolescents d’un Lycée Technologique et Professionnel ne s’aborde pas de la même façon qu’en Primaire. Aucune formation ne ressemble plus à une autre ; les programmes sont faits sur mesure en fonction du groupe accueilli. Ceci créé d’emblée, une attente renouvelée de la part des équipes qui va ensuite se répercuter sur l’enseignement aux élèves. Chacun aura à cœur d’orienter le choix pédagogique en fonction de son public, sans rien changer ou négliger du côté des fondamentaux. Tout ne peut être dit en une fois, chaque année doit développer un éclairage spécifique et c’est l’ensemble de ces approches qui sera à même de constituer la mémoire durable des prochaines générations.

Au-delà du contenu d’enseignement qui est toujours de grande qualité et de haute tenue intellectuelle et pédagogique, ces séminaires produisent pour une équipe ou un réseau, un effet de cohésion. Le fait de se confronter ensemble à un contenu difficile sur le plan émotionnel, rapproche des individus distants et les missionnent de manière collective.

Cette plongée dans l’histoire de la Shoah ne peut laisser indifférent et développe un sentiment de responsabilité qui aura plus de facilité à s’exprimer en actes pédagogiques, car à son retour, l’enseignant n’est pas seul. Dans les modalités de formation précédentes, l’enseignant isolé revenait du séminaire plein de projets, mais son isolement dans l’équipe pédagogique provoquait beaucoup de tiédeur pour ne pas dire d’incompréhension de ses collègues et de sa Direction. Avec le temps, l’enthousiasme s’estompait et laissait la place à la frustration, car finalement peu de choses étaient ensuite réalisées.

Avec cette nouvelle approche de formation, les projets et les envies d’aller plus loin se développent pour le bien des élèves et de la communauté éducative qui sont tout entiers engagés dans le devoir d’agir et de transmettre cette mémoire.

Ceci n’a été possible que grâce à la mise en place d’un partenariat fait d’écoute et de bienveillance entre les équipes israéliennes de Yad Vashem dont Yoni Berrous et Ephraïm Kaye, et françaises dont Sonia Barzilay et Hélène Zrihen et nous-mêmes.

Nous souhaitons longue vie à cette collaboration fructueuse !

Patrick Petit-Ohayon