Le confinement met tout le monde sous pression, parents et enfants. Surtout dans les conditions actuelles où il faut conjuguer, pour beaucoup, des exigences diverses : le télétravail, l’école à la maison, le plus souvent avec des niveaux scolaires multiples, la gestion d’un foyer avec ses occupants, présents en permanence… Ce faisceau de contraintes multiples risque de mettre à mal notre réponse aux situations qui nous interpellent. Nous risquons, par manque de recul, d’être expéditifs, instinctifs, lorsqu’il faudrait écoute, bienveillance et accompagnement.
Pour ne pas perdre pied et sortir du couple infernal « action-réaction », nous vous proposons de vous attacher à un concept éducatif essentiel, celui de la congruence.
Il est loin d’être facile à mettre en œuvre, c’est pourquoi le défi à relever chaque jour est intéressant. Vous échouerez peut-être au début, c’est normal, abordez cela avec humour et distanciation, et progressivement, vous allez vous voir progresser. Or, son application changera de manière radicale votre façon d’être et d’éduquer vos enfants et d’être vous-même. Cela ne veut pas dire que vous serez parfait à vie, ne rêvons pas, nous ne sommes que des êtres humains et le droit à l’erreur est permanent. Mais, vous pourrez toujours vous ressaisir et redresser la barre.
De quoi s’agit-il ?
La définition :
En pédagogie, la congruence est la capacité à mettre en adéquation nos paroles et nos actes.
En communication, c’est la faculté à mettre en cohérence notre communication verbale avec notre communication non verbale.
Cela semble aller de soi, mais les situations sur le terrain disent bien souvent l’inverse. Qui n’a pas demandé à ses enfants de ne pas crier, en criant soi-même ? De plus, ce n’est pas à apprécier seulement dans l’instant, mais de manière générale, dans la vie quotidienne. Qui n’a pas interdit à ses enfants de mentir, tout en se l’autorisant à soi-même ? Or, sur ce plan-là, pourquoi l’adulte aurait-il des droits différents de ceux de l’enfant ?
En éducation, le principe « fait ce que je te dis, pas ce que je fais » n’est pas opérant. En effet les enfants, et les jeunes, pour la plus grande partie d’entre eux, oublieront les paroles de leurs parents, comme de leurs enseignants. En dehors, bien sûr, de quelques phrases « cultes », qui resteront gravées dans leur mémoire, en fonction des circonstances particulières dans lesquelles elles ont été prononcées, de grande émotion, de grande tension, ou au contraire par leur caractère humoristique, ou encore répétitif. Mais ceci en fait, justement, des exceptions.
La majorité de nos paroles seront oubliées, sauf si elles sont en adéquation avec nos actions. Ce que nous faisons est nettement plus structurant et modélisant pour les enfants et les jeunes. Chacun de nos gestes est scruté, analysé et sert de référence à ce qu’il faudrait reproduire ou au contraire ne surtout pas refaire. Pour la mémorisation, le niveau de congruence est très important.
C’est pourquoi, faire ce que l’on dit aux enfants est essentiel.
Comment exiger, avec efficacité, qu’ils rangent leurs chambres alors que nous ne rangeons pas la nôtre ? Bien sûr, ce n’est pas parce que la nôtre est rangée qu’automatiquement, ils vont ranger la leur. Le rangement n’est pas toujours naturel, et peut paraître ennuyeux, voire être assimilé à une punition. C’est pourquoi il est préférable de ranger avec eux, éventuellement sur le mode du jeu, plutôt que de les regarder ranger. Comment leur demander de valoriser une tâche pour laquelle nous exprimons, par notre comportement, du désintérêt ? Ils ne sont pas dupes et le ressentent clairement, même s’ils ne sont pas forcément en mesure de le verbaliser. Le jour où ce sera le cas, ils n’hésiteront à nous le reprocher, car cette incohérence leur est insupportable.
Essayons de mettre en pratique, dès à présent, cette congruence. Même si on échoue. C’est un apprentissage comme les autres. Ne dit-on pas à nos enfants, dans le travail scolaire, qu’il faut apprendre de nos erreurs ? Dans l’échec, c’est l’action qui n’est pas la bonne, pas l’être qui est en jeu. Alors, choisissons d’en rire pour prendre du recul et réessayer la fois suivante, en faisant un peu plus attention à ce que nous faisons et à ce que nous disons. Progressivement, on ira de succès en succès.
Cette congruence est fondamentale, non seulement du point de vue de la vérité et de la justice, mais également dans notre capital de crédibilité auprès de nos enfants. Ils ont besoin de parents fiables, équilibrés dans leurs messages éducatifs. C’est ce qui fera qu’ils écouteront nos recommandations. Même si pendant l’adolescence, il est possible qu’ils s’en éloignent momentanément, parce qu’ils ont besoin de construire leurs propres références, ils y reviendront ensuite car la congruence est fiable.
Profitez de cette période de confinement qui dure encore un peu, ou même après pour en faire l’expérience. Vous en bénéficierez et vos enfants aussi.
Patrick Petit-Ohayon