Ils étaient nombreux à se sont réunir le 20 novembre dernier, les directeurs de collège lycée afin d’assister à une soirée d’échange sur l’accompagnement de leurs élèves lycéens dans les parcours de formation post bac.

La conférence était menée par Nathalie Sutour, psychologue conseillère d’orientation qui a détaillé les objectifs de cette accompagnement et les dispositifs mis en place dans les écoles par l’éducation nationale.

Ainsi, l’entretien personnalisé d’orientation et le suivi des équipes enseignantes permettent d’accompagner au mieux les élèves. De nombreux sites ont également la disposition des jeunes pour se projeter, faire des simulations et étudier toutes les pistes pour leur avenir.

Le parcours se prépare donc dès la classe de seconde et non plus en Terminale comme par le passé. Un point a également été fait concernant l’année de césure qui peut concerner nos élèves tentés par une année à l’étranger, souvent en Israël, dans le cadre d’un projet d’Alyah ou non. Dans ce cas l’inscription sur Parcours Sup n’est pas systématique et une non inscription peut également être judicieuse du moins temporairement.

 

Héloïse ALLALI

Depuis l’an dernier, le CFP Neher a structuré la formation des Maîtres tuteurs des stagiaires de 2e année.

Voici, en illustration, la réflexion de Virginie Guagech sur la mission du Maître-tuteur.

« Après l’année de concours de professeur des écoles, durant laquelle est développée la maîtrise des savoirs à transmettre et l’acquisition des premiers éléments de pratique, la formation initiale des enseignants se fait en alternance entre le terrain et le centre de formation.

Marc Daguzon, qui a mené des études sur l’année de stage des enseignants, indique que le stagiaire est dans une « construction dynamique » et qu’il y a souvent un « choc entre ce que l’on a appris et ce que l’on vit dans la réalité ».

Le premier contact avec la classe, la confrontation au réel, est souvent une étape difficile car elle met en relief ce décalage entre la prescription et les situations vécues. Mais cette expérience est nécessaire pour assurer la construction de leur identité professionnelle. C’est dans ce décalage, et la réflexion menée pour le combler que l’enseignant va développer ses compétences. Pour cela, les enseignants sont accompagnés tout au long de l’année par les formateurs du centre de formation Neher, et par un maître tuteur.

J’ai la chance depuis trois ans d’accompagner les enseignants débutants pour leur entrée dans le métier. Pour mener à bien cette mission, il m’a fallu avant tout revenir sur mon propre parcours professionnel et comprendre les processus qui m’ont permis de résoudre les situations, me souvenir que l’expertise s’est construite avec l’expérience et inévitablement de nombreuses interrogations.

J’accompagne les stagiaires avant la rentrée pour leur intégration dans l’équipe, la planification de l’année, la préparation de la première réunion avec les parents. Puis tout au long de l’année nous avons des échanges réguliers et des visites en classe. Dans un premier temps, je les conduis à réfléchir à la mise en œuvre d’un climat de classe serein et propice aux apprentissages. A la suite des visites de classe, je les amène à redéfinir les objectifs de séance, à analyser les réussites et les dysfonctionnements. Je les conduis à s’interroger sur ce qui pourrait être mis en place. Parfois il y a des propositions, et d’autres fois non. Je n’hésite pas dans ce cas à partager mon expérience et présenter ce que j’ai mis en place et qui a fonctionné.

Marc Daguzon parle de « la nécessité de la transmission des savoir-faire. Nous cherchons, mais souvent dans les classes, il y a les solutions ».

L’analyse des séances et les conseils formulés font l’objet d’un compte-rendu, qui sert au stagiaire de support de travail, et à l’institution pour la validation de l’année de stage et l’obtention du diplôme de professeur des écoles.

La formation et l’accompagnement nécessite la compréhension des processus de développement professionnel et de la formation d’adultes. Nous sommes pour cela accompagnés toute l’année par le centre de formation Neher, qui met en place des formations spécifiques pour les tuteurs.»

La plupart des organismes de formation ont un programme d’action et un catalogue relativement figé. Cela permet de se perfectionner et de se renforcer sur des métiers précis. Pour le Campus FSJU nous avons choisi une autre approche.

Bien sûr il y a une base qui constitue le catalogue de formation, mais autour de celui-ci, nous sommes en continuelle construction et élaboration de nouveaux projets.

La formation des Maîtres Tuteurs de cette année est très différente de celle de l’an passé. Non qu’elle n’était pas bonne, mais il y avait une marge de progression que nous sommes empressés de franchir.

L’orientation des élèves n’était pas présente dans le catalogue, c’est maintenant le cas car il s’agit de s’adapter aux besoins des enseignants.

La didactique de l’enseignement de la Halakha était peu développée pour les enseignants de Kodesh, mais nous sommes en train de la renforcer.

L’enseignement de la Shoah pour des enseignants de Kodesh a été amorcé l’an passé avec le Mémorial ; nous souhaitons en faire un incontournable de nos programmes de formation.

L’accueil de collégiens à l’Espace Rachi par le FSJU, le Campus FSJU, et le CNPJ le 27 janvier dernier fut une expérience que nous souhaitons reproduire.

Notre principe est simple vous le connaissez « Celui qui n’avance pas recule ! ». Sans mépriser ce qui a été fait avant, il nous faut en permanence, tout en renforçant l’existant, renouveler nos approches et nos propositions de formation.

C’est dans ce but que nous avons maintenant préparé de nouveaux formateurs pour le Campus FSJU de demain.

Ne manquez pas la remise des diplômes sous forme de présentation de leurs spécialités le mardi 17 mars 2020. C’est ici que l’avenir se prépare discrètement, mais sûrement.

Enfin, nous ajoutons une nouvelle rubrique à notre lettre, celle des « parcours de vie professionnelle ». David Uzan qui inaugure cette présentation ; Prix Tenoudji pour la vocation éducative 2020 ne vient pas de nulle part. C’est le fruit d’un riche cheminement dans l’éducation que nous avons laissons le plaisir de découvrir.

Patrick Petit-Ohayon

Fraîchement honoré du prix Tenoudji pour la vocation éducative nous avons demandé à David Uzan de nous retracer son parcours professionnel.

Un parcours atypique et passionnant que nous le laissons vous raconter avec ses mots :

 » Je m’appelle David Uzan et je suis né le 6 décembre 1958 à Tunis, Tunisie ». C’est très souvent par cette phrase que je me présente à une nouvelle classe.

Mes petits Alsaciens se regardent alors les yeux écarquillés comme si le mot « Tunis » désignait l’Afrique équatoriale et « 1958 » était une date de l’Antiquité !

J’aime cette amorce non seulement parce qu’elle me permet d’établir le contact avec sincérité, mais aussi parce qu’elle me rappelle le point de départ et les étapes du chemin qui m’a mené là, à l’École AQUIBA de Strasbourg pour y enseigner la Torah aux enfants.

Un parcours personnel et professionnel où les rencontres furent décisives. Elles furent nombreuses et je me souviens avoir à chacune d’elles été conscient que cette nouvelle personne allait me construire et alimenter la flamme de mon envie de dire ce que j’apprends et de le partager avec des élèves.

Mais au commencement de chaque feu il y a une étincelle…

Dès l’enfance, c’est au Talmud Thora du jeudi matin (et oui, du jeudi !) et au mouvement de jeunesse du dimanche (le DEJJ du grand homme qu’était Norbert Dana de mémoire bénie) que je su le nom de cette étincelle.

Dans ces deux lieux, pourtant éloignés l’un de l’autre, j’ai découvert une seule et même chose que je pressentais toujours et qui, informulée au fond de moi, trouva colo après colo son expression : « être juif c’est bien, ça vient de très loin, ça se transmet, c’est grave d’arrêter ! ».

Ce qui a suivi et ce qui se passe encore pour moi n’est, qu’un lent et laborieux déploiement de ces quelques mots simples…

À l’âge de 21 ans, après avoir comme beaucoup de jeunes Juifs, partagé mon temps entre la fac de médecine (ratée !), la « Syna» et le mouvement de jeunesse, j’ai découvert l’étude approfondie du Talmud au sein de la Yechiva des étudiants de Strasbourg. Pour être plus précis, c’est le fait vital d’avoir un Maître, un cours, un échange quotidien autour des Textes, qui fut au centre de ce tournant qui, je le sais bien maintenant, décida de tout.

Quitter Paris et vivre à Strasbourg, dont la communauté juive tient beaucoup au mot « apprendre », nous permit à mon épouse et à moi-même, de quotidiennement recevoir éléments de langage, réflexion, outils d’analyse et connaissances à un rythme et à un niveau d’intensité que nous n’imaginions pas et qui nous ont aidés à construire notre famille.

Tant et si bien que le métier d’opticien-lunettier que j’avais appris perdit progressivement son attrait au profit d’une rageuse envie d’enseigner et surtout, je l’avoue…d’imiter mon Maître !

Engagé en tant que remplaçant à l’école Tachbar par le fascinant ami Yonatane Lilti (d’abord fascinant puis et pour toujours ami), j’oubliais vite les lunettes de mes clients ! Par la suite, tout s’enchaina : École Aquiba, premières responsabilités auprès de M. Bibas, le Directeur et premières rencontres avec les formations de toutes sortes.

Mon entrée en enseignement correspondait avec une période de réflexion intense dans le monde des écoles juives. Aux équipes de l’après-guerre, succédaient des Maîtres et des responsables d’école décidés à professionnaliser le métier des enseignants de Torah.

Cela n’allait pas de soi, car il fallait accepter de remettre tant de choses en questions dans un domaine où tout se nommait « Sainteté » et où on n’osait pas nommer les défauts pour ne pas risquer l’anathème !

Dans ce domaine (qui le contesterait ?), c’est l’Institut André Neher qui, mené par Prosper Elkouby ז״ל puis par Jo Tolédano, qui opéra de façon puissante ce lourd changement.

Je m’y jetais avec passion et guidé patiemment par mesdames Tamar Schwartz et Penina Soussan, je rencontrais mes Maîtres en enseignement : Shmuel Wygoda, Chantal Mettoudi, Annie Partouche et … l’effondrement des certitudes qui les accompagnait !

Vivre une formation est pénible tout en devenant indispensable. Comprenez-bien : c’est pénible parce qu’on s’y expose et qu’on y subit un questionnement permanent, qu’on s’y dépouille ! Mais ce dépouillement devient progressivement indispensable car on sait très vite qu’il nous mène à un autre nous-même qui se cache en nous et qui « lui » est un bon enseignant !

Il est inutile de dire que la différence entre « stagiaire en formation » et formateur s’estompe assez vite et que le goût de recevoir et celui de donner s’impliquant l’un l’autre, on en vient assez vite à recevoir ses premiers stagiaires…

Ainsi, entre 2005 et 2010, je passais mes mercredis dans les avions et dans les trains, sillonnant les écoles juives pour un peu y rendre ce que j’avais reçu.

Je le dis assez facilement aujourd’hui : ma rencontre avec les Maitres et les stagiaires de l’Institut André et Rina Neher (IARN) fut un enchantement au sens précis du mot. Comme dans le livre de Samuel où le jeune berger qu’était Saül à la recherche de ses ânesses perdues se transforme littéralement en un « autre homme » après une séance sur un toit dans la nuit étoilée  avec le prophète.  Séance dont l’intensité nous échappe !

Cette rencontre à l’air libre, dans le secret et hors de l’espace de la société (un toit ! au-dessus des maisons !) ouvre la rencontre avec soi-même et avec « l’autre homme » qui peut sortir de nous pour aider Israël. Saül qui abandonne la recherche de ses ânesses pour se faire réceptacle d’un autre projet dont il est déjà le porteur sans le savoir, c’est toute la force de la mise en formation. C’est toute la réussite de l’IARN.

Arrêtons un instant le déroulé de mon petit chemin sur l’IARN justement.

Aujourd’hui, intégré au Campus FSJU, l’institut continue plus que jamais à construire ce passage des enseignants vers « l’autre homme » qui vit en eux. Patrick Petit-Ohayon veille toujours à l’attractivité de ces temps d’ascèse en proposant aux écoles des programmes riches et très précisément à l’écoute des enseignants. Sous sa direction l’institut récapitule maintenant tant d’années d’expérience et d’expériences… Il veille à le maintenir comme un lieu où toutes les couleurs de notre peuple se côtoient sans jugement ni méfiance. Rare non ? Rare et crucial.

J’ai l’honneur de toujours faire partie de cette équipe et d’intervenir de temps en temps. C’est Robert Derai et Héloïse Allali qui m’y accueillent et me permettent, le temps d’une séance, de rendre à l’Institut ce que j’y ai reçu.

Mais à l’heure où j’écris ces quelques lignes, c’est la belle École Aquiba qui me requiert jour et nuit.

Belle, parce que s’y déploie une équipe de grande qualité, y vivent des enfants qui n’attendent que de rencontrer des Maîtres et où les mots « apprendre » et « ensemble » ne sont pas encore fâchés !

AQUIBA ? Les mots justes des Rabbins et les chants du mouvement m’y ont mené.

Autant que la profondeur et la permanence dans l’Étude de mon Roch Yechiva.

Autant que les exigences et la rigueur des formateurs de l’IARN.

Telles sont les rencontres qui forment un parcours que D. suscite pour un petit gars exilé de Tunis à Aubervilliers et qui trouve qu’être Juif c’est bien, ça vient de très loin, ça se transmet et c’est grave d’arrêter !

 

David UZAN,

Décembre 2019.